Laisse
Laisse mon cœur
Il est de Bretagne puisque mes souvenirs le sont
La lande impénétrable
Et l'ajonc
Le silence des vieilles devant l'âtre aux odeurs de vin chaud
Les calvaires comme des hommes dressés aux carrefours
Et l'Ankou
Le vent de le mer qui t'enserre le corps
Et le cou
Un goût salé sur ta paupière
Au cri des cormorans
Laisse
Laisse mon cœur
Il est de nulle part puisque les marins le sont
Ô Vierge des naufragés
Je t'ai capturée dans ces filets que plus personne ne ravaude
Les canevas empreintés des disparus
Et les petits crabes qui craquent sous les pas
Laisse
Laisse mon cœur s'appartient aux souvenirs d'argile
Et de granit
Les fontaines de pierre et les chapelles
L'appellent
D'aber en ria, et de schorres en collines
Les ronciers d'aubépine la Rose de Noël
Le chaume et le vent
Laisse
Laisse mon cœur
Je crois qu'il s'est perdu un peu aux croisées des rives et des
chemins
Entre le chêne et le pin
Là où sourd cogne le vent
D'antan
Nostang
Quand
les sommeils se font lourds d'incertitudes
Quand les enfants rentrent du bois
Comme les loups
En sortent
Quand les ans font rangs entre nos joies
Comme les clous
Des portes
Quand les soleils défont pour rien les habitudes
Que les rires sages des mariées se destinent à l'oubli
Et que les rivages des marais se dessinent à nouveau
Nus
Quand l'amarre se défait lasse des corps et les dénoue
Quand la marée fait tête basse parmi les schorres évanouis
Les engoulevents s'étreignent
Quand leurs cris dévorés par la descente du ciel
Les oiseaux disparaissent des sentes
L'eau se fait noire aux yeux des marcheurs
Et des voiles qui n'ont jamais existé se promènent devant l'abîme
De leur cœur
Je suis à la fenêtre
Et la présence monstrueuse des remords
Me tient
Debout