Lauranne

Poésie

Le délire est mon prophète

I

Le délire est mon prophète et mon nom devient Sarah.
Le délire n'est qu'un prophète.
Accrochée à la terre à son dernier tangage, je respirais.
J'ai respiré.
Et j'ai connu, à ce qu'il paraît,
les jours des yeux rieurs
et du cœur
tendu comme une main ouverte.
J'ai voulu l'Autre à corps perdu et
j'ai désiré le désir comme on attend
l'eau
après les soirs d'alcool,
si douce et si claire.

Adieu.

Accouchée d'un ventre,
humaine,
désirée,
à l'aube maudite
est née
Sarah.
Il n'y a plus d'Autre.
Il n'y a-t-il jamais eu d'Autre ?
Atome s'imagine, qui sait ?
Questions rondes comme autant de balles de ping-pong,
dérisoires et vides.
Murs blancs au-dessus de la tête
Sarah.
Le cœur au bord des lèvres, bien vite
ravalé.
Toute seule,
Sarah a toujours été toute seule et elle gardera le cœur brûlant pour
elle.
Celle qui n'est pas
Sarah
n'est qu'un mensonge pour l'Autre.
Façade.
Et dans sa prison Sarah crie.

Chair ! Chair !

L'homme dieu a perforé le ventre de la femme.
Tangage de feu.
Un moment
Sarah a dominé celles qui ne pouvaient être
Sarah.
Tourne, tête cheveux aux yeux, mains nouées aux tripes !
Feu, feu.
Flammes lécheuses où il ne faut pas.
Tournoiement vide de sens, libidinale rotation de
Sarah
sur elle-même.
Musique de Sarah.

Mon nom est
Sarah
et le désir est ma conquête.
Les ongles
Sarah déchirent mon âme.
A l'intérieur de celle qui ne peut être
Sarah, Sarah ricane.
Sarah ronge comme un feu le ventre de l'image.
Sarah désire
et hait l'Autre car Sarah n'aime pas être démentie et
Sarah
se sait seule et s'en fiche de la vérité de l'Autre.
Démentie !
Sarah est une.`
Sphère Sarah.
Démon Sarah. Désir Sarah ?
Sarah est infirme.

Sarah
aveugle
Sarah.


II

J'ai fait l'amour avec Sarah, l'amour
Sarah.
Sa main a couru sur mes hanches et ses lèvres sur mes seins
ont raté leur
but.
J'ai tout essayé avec
Sarah.
Contre le corps chaud et qui sentait mauvais de
Sarah,
entre les bras noueux de Sarah.
Doux
Et mauvais.
J'ai ignoré et les lèvres et la poitrine de l'Autre.
Corps ! Corps de Sarah.
Celle qui n'a pas le droit d'être
Sarah s'est fondue en Sarah.

Et Sarah s'est fondue en elle.

Introperforation de Sarah, recluse dans sa prison charnelle.
L'Autre a un ventre lourd
Et des poils sur ce ventre,
L'Autre est mauvais et rejette après.
Après.
Sarah a pris au diable sa danse.
Danse furieuse de Sarah.
Haine ? L'Autre hait Sarah et
Sarah hait l'Autre.
L'écume à ses dents devient mirage.
Laisse moi nager,
Sarah. Mon nom est Sarah
et je sais que je tuerais l'Autre
quand j'aurai fini de croire qu'il

m'aime.

Personne n'aime
Sarah
mais laisse-moi rêver.
Sarah, dans la glace, avait le corps de l'Autre.
La glace s'est brisée.
Sarah a les yeux de l'Enfer.
Feu !
La fleur aussi a saigné.
Mains tordues sur la croupe de
Sarah.
Monstre femelle ?
Sarah sortira ce soir. Je suis Sarah déjà.
Laisse moi manger, Sarah.
Toujours du sang entre les cuisses.
Née de cela, moi, Sarah, je n'enfanterais pas l'horreur
aux yeux de soleil.
Que la terre éclate,
Sarah sera toujours
Sarah.
La petite grenouille hurlante claquerait tout net entre
mes doigts.

Pas question.
Déjà trop s'il y a
Sarah.
Et l'animal, un jour, deviendrait
l'Autre.
De la gluance naîtrait un jour
la haine, pas question.

Non.

Et si ce petit Autre me sauvait de Sarah ?
Folie.
De qui ?
Folie
Sarah.

Paris, 1985



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